mercredi 7 septembre 2011

Formation avec le G5

Le G5 et l'Esperluette s'unissent cette année ensemble pour proposer une sensibilisation à l'écriture dramatique. Ce sera fin mars début avril 2012, sur deux semaines, en journée. Merci aux personnes intéressées de contacter l'Esperluette : http://www.lesperluette-en-scene.com/
+ d'infos sur le G5 : cliquer ici

Le G5 en ouverture de saison

Vendredi 9 septembre à 19h, RV au Centre Culturel Boris Vian des Ulis (91) pour la présentation de la saison 2011/12 par le groupe 3.5.81.
Et au programme, de l'écriture en direct par les auteurs du G5, qui liront des textes tout frais tout chauds inspirés par la soirée et la saison... des amours !
Réservez via le site : http://www.lesulis.fr/?id=44
Quelques photos souvenirs de cette mémorable soirée qui a vu le G5... s'envoyer en l'air ! Et peu à peu viennent ici s'inscrire les textes, écrits une heure durant, à quelques mètres du sol, tandis que la saison s'égrenne sur écran et sur plateau... Des textes écrits au débotté, en direct, et que nous mettons en ligne de manière temporaire.

Dominique Paquet



Texte de Natacha :

La saison des amours est souvent la cinquième
La sans-place, la hors-temps
Celle dont on rêve de se couvrir en hiver
Celle qui percerait de vent l’épaisseur des étés
Celle qui, dans les automnes, récolera les feuilles perdues
On en rêve. Et parfois elle vient
S’allume. Et puis s’éteint
Petite fée aux allumettes qui marche avec nous dans nos bottes
et parfois trempe de pleurs le douillet de nos chaussettes
L’amour est une saison bascule,
un tour de cirque,
une pente de glace  à étourdir les canards en plastique de la Nasa
qui au moins, ceux-là, égarés dans le même sens d’attraction
ont une chance de s’effondrer les uns contre les autres
au fond d’une crevasse
Mais la rencontre, à l’amour suffit-elle ?
de se frotter le nez l’un contre l’autre, et de se trouver beaux ?
Non ! L’instant T nous guette tapis terré terrible dans un coin du paddock
Animal, animaux, à l’âme en lame
animés de guerroyements,
on montre patte blanche
avant que de sortir les griffes.
L’amant des premiers jours te caresse des ses cinquante doigts
Jusqu’au jour où il devient manchot
Fini les sonates sur tes touches
le voilà devenu ours en pleine nuit
-8760 heures chéri, que nous n’avons pas ri ! C’est drôle non ?
-Pas si drôle que ça…
-Mais veux-tu bien encore recoudre mon pantalon
à la lumière éteinte de nos soirs épuisés ?
Là il faut répondre :
-Non !
Je vous ordonne de répondre Non
Lui déchirer un peu plus son pantalon,
et partir en Alaska, for ever
Même si l’on ne prend qu’un studio à l’autre bout de la rue
Il faut remettre de la grandeur dans l’amour
Et si on n’a pas su le faire pendant
(et on ne l’a sûrement pas fait pour en être arrivés là…)
mettre absolument de la grandeur dans ses adieux,
du kilomètre, de l’extravagance
Et pas se demander si on a jeté assez de sel dans le riz toutes ces années !
Dire
-Moi je pars en Alaska. L’un de nous reste. Et c’est toi. 
Et recommencer à croire qu’on peut encorder son cœur sans se pendre,
à Roméo ou à Juliette
Toujours et encore
En toute saison
Les Ulis
9 septembre 2011






Texte de Laurent : Expédition Paddock
Quelques mots inspirés par le spectacle programmé…

Quand j’étais au collège, en fin de troisième, je suis allé en voyage linguistique chez mon correspondant allemand en Bavière. A Regensburg, Niederbayern. J’ai passé un été merveilleux là-bas, merci – et notamment je me souviens que le premier jour, après douze heures de train et une heure de voiture, quand j’arrivai dans le petit chalet aux géraniums si caractéristique de ces contrées supra-tyroliennes, à peine ouvert la porte d’entrée, voilà qu’une jeune fille d’une vingtaine d’années et de près de deux mètres s’avança vers moi, me tendit la main et me lança, tel un défi : « Hallo ! Olli ! »
Je trouvais ça rapide.
La blitzkrieg j’avais été briefé, le blitzpaddock pas encore : j’étais ingénu.
En fait c’était son nom. Elle s’appelait vraiment Olli et c’était la grande sœur de mon correspondant.
Mais je m’égare.
La « saison des amours ».
La saison des amours…
Pourquoi des amours ? Si l’amour se conjugue au pluriel, est-ce à dire qu’il se désaccorde au singulier ? Mais pourquoi dans ce cas parlerait-on des « amours singulières » ?
Mais si, on parle des amours singulières : moi par exemple… Mais je m’égare.
Donc nous passons des sortilèges en 2010 aux amours en 2011… Des philtres aphrodisiaques concoctés par des nymphettes en des forêts lointaines, aux filtres des mégots écrasés dans le cendrier et qu’il faut vider le matin, au saut du lit : tu m’ensorcèles, tu m’ensoleilles, tu m’énamoures, tu m’escarmouches, tu m’escamotes, tu mets tes bottes (laiiiiissons laissons eeeeentrer les orteils), tu m’ensommeilles, le soleil a rendez-vous avec la lune et la lune le sait très bien, la nuit tous les draps sont pris, tous les bras sont mis, tous les gars s’oublient, les filles aussi, tu m’encorbeilles dans ta vallée des merveilles.
Hé oui : c’est dit ; tu me ravis au lit, l’amour j’en suis friand, même si je sais qu’on doit garder la ligne, ta ligne de corps elle me va bien tu sais, pour elle je serai premier de cordée à l’instant T, un pianiste à cinquante doigts tu verras tu verras, je te jouerai un opéra vinyle, une fantaisie latex, une sonate ininterrompue, 8760 heures pourquoi pas, tout est open, à la fois homme, animal, moi et mes chevaux, futur et no futur, total présent, fatal picard oh boy ! la nuit tous les ours sont gris quand ils voient tes nonos faire leur cirque.
Mais jeux m’égarent : souvenirs de combats dans l’arène, de batailles d’oreillers aussi (moyen, les plumes, quand on est asthmatique), colonies, classes de neige, veilleuses au ras du sol, traversées de traversins, sommiers qui grincent, « pas-mal-et-toile-à-matelas », et les paddocks ponchaient, ponchaient… T’es d’ac ? Pas d’ac ? La niaque ? Pas la niaque ? Nique ? Pas nique ? Panique au paddock ! Pas dit qu’on n’y passe pas la nuit, qu’on n’y chasse pas l’ennui, qu’on n’y fasse pas monter le mercure, ton moulin va trop vite, va trop fort, attention au réchauffement va falloir refroidir nos ardeurs, Alaska for ever dans nos nuits tropicales !
Mes jeux m’égarent…
La saison des paddocks, donc. Et une chose sûre : quoi que je fasse dans ce lieu où je passe le plus clair de ma vie, au pieu, donc, aux cieux, toujours à un moment ou un autre me revient le sourire de la grande sœur de mon correspondant allemand, qui m’avait sensibilisé à sa langue, Olli, oui oui, et qui m’avait aussi appris comment dire : « je veux », « un peu », « beaucoup », « passionnément » et tant, tentants, d’autres mots,
Olli,
Qu’on ne dit bien
Qu’avec la peau.
Laurent Contamin
Centre Culturel Boris Vian, Les Ulis,
9 septembre 2011 




Texte de Bruno :


Tu me regardes
Je lévite
Tu me regardes même un instant
Seulement un tout petit instant
Et vite je lévite
Rien que pour toi.
Le fauteuil où je m’assois
Wouf !
A trois mètres dans les airs
Pas possible autrement
Pas je l’évite.
Tu fais ton cirque
Tu es là avec ta houle de novembre dans les hanches
Et voici la trompette d’Armstrong
« Love is funny or it’s sad
It’s a good thing or it’s bad
But beautiful… »
Tu me regardes
Tu chantes
Tu es là au diapason
Et moi je te dis Future
Pas de No Future
Que du Future.
Je tangue
Viens approche-toi
Que je te réchauffe la cartographie
Mon canard.
C’est juste une exposition
Pas une hypothèse
Pas une conclusion
Mon canard atomique
Une ouverture
Dans ce monde de tétines, de containers, de chacun devant son écran.
Tu me regardes
Je respire, je ne me sens pas obligé
Je rejette tout ça
Tous ces trucs à acheter
Tous ces trucs qu’on me dit qu’il faut que j’ai
Vite que j’ai
Pour que moi je dise : regarde je l’ai vite
Tous ces trucs qui saoulent en fait comme le vent.
Tu me regardes et tous ces trucs
Tentants pourtant tentants
Je les oublie.
Toi Juliette
Moi Roméo
Et juste la scène du balcon
« Mon tiercelet » tu dis
Oh regarde-moi ma jolie
Ai-je l’air d’un tiercelet ?
Hors du temps, tu me mets
Hors du temps, a dit madame la maire
Hors du temps comme orchidée sur l’affiche de saison
Mon printemps.
Tu me regardes encore et encore
Ça me découd le pantalon.
Combien de temps va durer ma mémoire ?
L’éternité quand je te regarde
L’éternité de ta voix
L’éternité du mouvement de ta main quand tu descends ta jupe
L’éternité de ta folie pas ordinaire.
Tu me regardes
Tu me dissèques
Je ne suis plus qu’un cœur hors de moi
Un cœur qui lévite à trois mètres en fauteuil
Un cœur qui bat à la verticale.
Et ça danse
Ça vole
Ça vague au-dessus de l’écume de tes cheveux.
Je te vois
Je pleure je soupire
Non je blague je n’ai pas le goût du tragique
Mais des fragments de désir que tes yeux un à un assemblent
Pour construire au final ta silhouette toute entière
Qui me chavire comme la houle de novembre.
Tu me boxes l’écosystème
Et j’aime
Si si j’aime.
Parfois l’amour n’est pas cartésien
Il tient du boucher
De la viande
De l’animal.
Tu connais par cœur tous les mécanismes de ton pouvoir sur moi
Et j’aime
Si si j’aime.
Tu me dézingues
Tu me rends dingue
C’est inuit inuit inuit
Et même pas froid
Au contraire je transpire
Peau contre peau
Photographie de ton corps sur le mien
Direct à même la pellicule de ton parfum.
Tu es ma poétique
Ma sauvage.
Regarde, pour toi je me mets sur une main
Et je tourne comme ça l’air de rien
Aérien.
Ne me pince pas
Je sais que je ne rêve pas
Je lévite encore et encore.


Les Ulis
09.09.2011






Texte de Luc :


C’est un salon de coiffure. Qu’est-ce que je fous là ? Tresses – Rajouts – Tissages- Extensions. Je n’ai rien à foutre là.
- Bonjour.
Voix fluette mais un brin autoritaire. Une petite fille se tient à mes côtés. Un bout de chou qui m’adresse la parole du haut de ses sept ans. Un visage lumineux et de grands yeux clairs. Pas du tout intimidée par le brouhaha qui règne dans ce salon elle me fixe comme si j’étais quelqu’un comme si j’avais encore des illusions des utopies comme si je pouvais encore changer le monde. Elle me regarde. Alors que nous avons au moins vingt kilos et vingt centimètres d’écart.
- Eh ben moi je vais à l’école.
D’accord. J’en suis ravi. J’ai la sensation étrange de la connaître depuis toujours. L’enfant me regarde et attend quelque chose de moi. Je me sens désarmé. Comment parler à cette enfant ? Où sont passés mes canards ?
- Comment elle s’appelait ta maîtresse ?
Aïe. Formulation d’une question centrale. Répondre. Il faut répondre. C’est un moment particulier. Je suis abordé par une petite fille enjouée il me faut des billes. Ou des poupées. Enfin quelque chose à dire quoi. Ma maîtresse. Je pense à mademoiselle Poubelle ma maîtresse du CP. Je l’aimais bien mademoiselle Poubelle. Pauvre mademoiselle Poubelle. A-t-elle souffert de son nom de famille ? Je ne sais pas. En tout cas je l’aimais bien et elle m’a appris à écrire.
- Mademoiselle Poubelle ! Mademoiselle Poubelle ! s’exclame l’enfant.
- Mais c’est vrai je t’assure ma maîtresse d’école s’appelait mademoiselle Poubelle.
Elle rit puis se fige comme si on lui avait mis une casquette de philosophe sur la tête elle se fige et tout à trac :
- Oh mais dis donc t’as plus de cheveux toi !
Je la hais. Je vais lui tomber dessus. Moi et mon cheveu on va la tabasser on va la frapper avec ce qui nous tombe sous la main décor classique et contemporain allez regarde-moi ma jolie viens dans mes bras ma jolie viens voir mon pantalon est décousu…
- Eh vous là qu’est-ce que vous faites ?
Ça me frappe dans le dos. Qu’est-ce que c’est ? La mère de l’enfant ? La patronne du salon ? La troupe de Hair au grand complet ? Trois clientes me foncent dessus. Elles sont pleines de tresses de rajouts de tissages d’extensions. C’est baroque mais contemporain. L’horreur. Pourquoi je retiens ces détails ?
- C’est l’histoire d’un désir me dit l’une d’elle. Les corps parlent. Mets ton cheveu dans ta poche mon garçon on va s’occuper de toi.
Là-dessus elle prend un air de boucher cartésien et fait les présentations :
- Brigitte –spécialiste du ver. Alexandra. Marie-Louise. Malheureusement y’a pas Hélène Hoffmann elle est restée au Vietnam. Mais c’est pas grave à nous trois on a au moins cinquante doigts. Allez viens !
- Attends Brigitte. C’est quoi ce truc là ? demande Alexandra en me toisant de haut en bas.
- C’est un ours répond Brigitte tout en me caressant le crâne.
- Fais gaffe. Tu vois pas qu’il peut avoir des puces ?
- Il porte pas de soutien-gorge dit Marie-Louise.
Je m’apprête à hurler lorsque je reprends mes esprits. Pas d’enfant à mes côtés. Ni de clientes tressées autour de moi. Mais Natacha Insa Laurent Bruno. Tout est sous contrôle. On est suspendu à trois mètres du sol dans un théâtre élégamment placé sous le signe de l’orchidée. On écrit.
- Allez boy. Lâche prise dit Laurent. Laisse entrer le soleil. C’est la saison des amours !


Luc Tartar
09 septembre 2011

Ouverture de saison du Théâtre des Ulis